Après ma sortie de la promotion 2002 du Carré des Arts et avoir participé à quelques expositions et concours, j'ai longtemps mis en pause mon activité artistique jusqu'à ce qu'une profonde dépression me fasse ressentir le besoin de m’évader et de retrouver un souffle de liberté. Mes pas m’ont menée vers le parc, où les balades sont devenues un rituel apaisant. De promenade en promenade, j’ai commencé à cueillir des feuilles, des fleurs sauvages, à les collectionner presque instinctivement. Très vite, l’envie s’est imposée de transformer cette accumulation en quelque chose d’exutoire, de créatif. 

C'est d'abord par le cyanotype que je renouais donc avec une pratique artistique. Technique ancienne qui pourrait être considérée comme l’ancêtre de la photographie, le cyanotype consiste à utiliser une solution photosensible et la lumière des UV pour révéler les formes et les ombres. Mes cueillettes sont ainsi devenues les matières premières de mes compositions, entre hasard et délicatesse. D'images assez dépouillées dans un premier temps, j'ai rapidement expérimenté en utilisant des abrasifs comme le sel ou le bicarbonate de soude, selon la technique du wet cyanotype. Les cyanotypes sont alors piqués de tâches et traînées jaunes et blanches.

De fil en aiguille, une autre technique est venue enrichir mon univers : le monotype. Avec de la peinture acrylique, un rouleau, une plaque de verre et mes trouvailles végétales, j'ai exploré de nouvelles manières de créer des empreintes, de figer des instants fragiles. L'élément végétal y est posé sur une plaque de verre qui a été préalablement encrée, un rouleau passe dessus, créant une empreinte qui est ensuite déposée sur une feuille. Je joue de la superposition de différentes couches et d'empreintes de fleurs. La peinture vient se confronter au végétal en y ajoutant une structure quasi-géométrique, formée par les lignes laissées par le rouleau. La répétition de ces structures génère une forme de sérialité, qui s'exprime davantage encore dans mes long rouleaux verticaux : accroché au mur, le papier se déroule le long de celui-ci et jusqu'au sol, aux pieds du spectateur. Comme un tapis végétal.

Mes estampes explorent les techniques de collagraphie, du gel press et la pointe sèche. Avec ces dernières, comme celles de ma série Louise, mes fleurs ne sont plus venues du réel mais de l'imaginaire. Le végétal n'y est plus révélé par empreinte, il est dessiné à la pointe sèche sur tétrapack.

Véritable dénominateur commun de mon travail, le végétal est devenu pour moi symbole d'évasion, d'un monde intérieur où je pouvais enfin respirer. Retrouver mon univers artistique, ma bulle intime, m'a aidée à traverser cette période sombre et pleine de doutes. Ces techniques, au-delà de l'esthétique, ont été pour moi un chemin de reconstruction et d'apaisement, une manière de transformer la douleur en création.